Avec leur passage au Saturday Night Live, le show télé le plus regardé aux Etats-Unis, les français de Phoenix ont réveillé la fierté nationale dont ils profitaient déjà en pleine époque french touch. Depuis If I ever feel better, leurs chansons n’en finissent pas de reconfigurer un éternel élan adolescent, comme l’illustre une astucieuse vidéo de fan sur Youtube, intitulée Brat Pack, qui détourne et compile des images des teenagers filmés par John Hugues (dans Pretty in pink, par exemple), pour les faire danser sur leur nouveau tube, «Lisztomania». Le clip officiel, entre déambulations filmées en super-8 et images numériques d’un concert, n’est pas très différent de cet esprit et représente bien l’effort du groupe pour maintenir ensemble intime et universel. Rencontre avec Thomas Mars, chanteur du groupe, pour glaner quelques clés sur cette ambiguïté fondamentale.
Vos clips renvoient presque toujours au plaisir tout simple d’être un groupe…
J’ai grandi avec 120 minutes sur MTV. J’avais la chance d’avoir le satellite et donc pas le MTV français, le vrai MTV ! Que des clips fous, à la limite de l’art moderne, à la façon des clips de My Bloody Valentine où tu ne vois que des trucs flous. On fait tout nous-mêmes, du coup, c’est ce qu’on a eu envie de faire, car même si on a aussi grandi avec «Thriller» et des clips super léchés, ça n’a pas été l’essentiel pour nous.
Dans ce nouvel album, il y a des vrais moments sans voix, c’est une première…
On aime bien tenter des choses avec les structures. Si tu prends les deuxièmes couplets, ils sont tous différents, à chaque fois ce sont presque de nouvelles mélodies. Dans «Lisztomania», les espèces de respirations, il y en a tellement que c’est anti-radio, les mecs de la radio disent «ce serait super s’il n’y en avait qu’une, vous en avez mis quatre». En même temps, tu as toujours envie de créer ton nouveau standard. Il y a plein de choses, tant qu’elles n’ont pas été faites, tant que ce n’est pas familier, personne ne va les faire. Le truc ultime c’est de faire ce que tout le monde va copier après. Même si ça n’est pas l’envie première quand on compose.
Vous avez l’impression d’avoir des suiveurs ?
On n’y fait pas attention, je pense que personne n’a envie d’être un suiveur, mais je pense forcément à pleins de choses… Pour les Daft Punk, il y a tellement de mecs qui tombent dans le piège, c’est fou. Mais ça reste facile de remarquer les gens qui veulent faire quelque chose de vraiment singulier.
On a l’impression que c’est un des critères qui a pu présider pour la sélection de votre Kitsuné Tabloid. Comment vous retrouvez-vous sur autant de morceaux comme ça ? Ca rejoint cet autre mystère : comment faites-vous pour vous mettre d’accord sur une musique aussi cohérente ?
On a grandi ensemble, ça aide énormément. Ce ne sont que des chansons avec lesquelles on a grandi. Quand tu fais une compilation, tu ne prends que les trucs les moins connus, mais ce sont toujours des morceaux que l’on voulait faire découvrir parce qu’ils ont tout simplement changé notre façon d’écrire la musique.
Vous écrivez ensemble ?
Oui, ça nous emmène à un niveau où l’on est dans la débilité totale…
Vos textes sont de plus en plus personnels et intimes… Comment fait-on pour écrire quelque chose de personnel à quatre ?
Au départ, on était plusieurs à écrire les textes, et puis finalement plus que moi, les autres n’ont plus voulu, je ne sais plus pourquoi, pourtant je demande toujours de l’aide. Parce que c’est dur… Je n’ai pas envie de ne parler que de moi. Finalement les textes sont hyper français dans la structure. Mais c’est le charme que les anglais y trouvent aussi. Après, ça parle de Paris, de choses et d’autres… On a investi notre propre univers dans toutes nos références, mais ça reste assez hermétique. Mais c’est pareil pour plein de chansons, je me souviens quand j’étais gamin, je pensais que «Little Red Corvette» ne parlait que de moi, heureusement que je ne comprenais pas à huit ans, parce qu’en réalité «Little Red Corvette», ça parle de putes et de capotes. On a mis les paroles des chansons dans l’album, au début on pensait ne pas les mettre, mais c’est tellement bon quand les gens les chantent en concert.
En France aussi ?
Oui ! Le public français est dément, je ne sais pas si l’on est devenus meilleurs ou si c’est le public d’ici qui a évolué… Quoiqu’une fois à Londres, il y avait un couple de Hells Angels, je me dis si on arrive à toucher ces gens-là, c’est gagné.
Wolfgang Amadeus Phoenix, sortie le 25 mai.
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SOURCES : http://www.menstyle.fr/culture/musique/articles/090424-rencontre-avec-thomas-mars.aspx